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« Il faut lever la voix pour éviter de lever les mains »

Publié le par arsenedogba

Résumé du livre qui a servi de bréviaire aux révolutions arabes

« Il faut lever la voix pour éviter de lever les mains »

------------- (GENE SHARP IN DE LA DICTATURE A LA DEMOCRATIE) -------------

INTRODUCTION

Dans son livre l’auteur analyse les modes de transformation d’une société non démocratique vers une société démocratique. Ce livre constitue donc un guide à la réflexion et à la planification stratégique pour désintégrer une dictature de manière non violente.

Dans une première partie l’auteur examine les fondements sociaux d’exercice de la dictature et les diverses réactions des résistants face à cette dictature. Il indique ensuite les tâches à accomplir pour surmonter les obstacles sur le chemin de la démocratie, puis les méthodes de lutte et les actions.

L’auteur souligne la nécessité d’élaborer un plan stratégique qui encadre et coordonne les diverses campagnes de lutte dans une perspective claire et nette : la désintégration de la dictature. Il indique aussi les diverses réactions d’accommodation de la dictature et les mesures à prendre.

I- FONDATION SOCIALE DE LA DICTAURE ET LES REACTIONS DES RESISTANTS

Une dictature s’installe en décomposant en pièces détachées la population à soumettre. L’auteur décrit comme suit les conditions d’exercice de la dictature :

« La population a souvent été atomisée, c’est-à-dire transformée en une masse d’individus isolés, incapables de travailler ensemble pour développer des libertés, une confiance mutuelle ou même de faire quoi que ce soit de leur propre initiative. Le résultat est prévisible : la population s’affaiblit, n’a plus confiance en elle-même et se trouve incapable de résister. Les gens ont souvent trop peur de partager leur haine de la dictature et leur soif de liberté, même en famille et entre amis. Ils sont terrifiés à l’idée même de résistance publique. À quoi cela servirait-il ? Au lieu de cela ils vivent une souffrance sans but et envisagent l’avenir sans espoir. »

Face au terrorisme institutionnalisé les plus courageux et téméraires font des tentatives :

« En réaction aux brutalités, à la torture, aux disparitions et aux meurtres, on a souvent conclu, de manière compréhensible, que seule la violence pouvait abattre une dictature. Les victimes en colère se sont parfois organisées pour combattre les dictateurs brutaux en ayant recours, envers et contre tout, à n’importe quel pouvoir de nuisance violent, ou même à des moyens militaires. Ces gens se sont souvent battus courageusement, au prix de souffrances et de pertes humaines élevées. Leurs réussites furent parfois remarquables mais ils ont rarement obtenu la liberté. Les rebellions violentes peuvent déclencher une répression brutale qui laisse fréquemment le peuple plus impuissant qu’auparavant. Quelle que soit la valeur de l’option violente, une chose est certaine : en plaçant sa confiance dans les moyens violents, on choisit le type même de lutte dans lequel les oppresseurs ont presque toujours la supériorité. »

La réaction disproportionnée de la dictature face aux résistants conduit souvent à faire le choix de la solution du coup d’Etat. Gene Sharp nous montre les limites de cette méthode :

« Un coup d’État militaire contre une dictature peut paraître un des moyens les plus faciles et rapides d’éliminer un régime corrompu. Néanmoins, cette option pose de graves problèmes. Le plus important est qu’elle laisse en place une mauvaise distribution du pouvoir entre la population, l’élite au pouvoir et la force militaire. Le renvoi de certaines personnes et cliques des postes gouvernementaux facilitera tout simplement l’occupation de ces postes par d’autres personnes. Celles-ci auront peut-être un comportement plus tempéré et seront éventuellement plus ouverts à des réformes démocratiques, mais ils peuvent aussi, à l’inverse, être plus corrompus que ceux dont ils prennent la place. Après avoir consolidé sa position, la nouvelle clique peut se révéler plus impitoyable et plus ambitieuse que la précédente. Ainsi, malgré les espoirs qu’elle apportait, elle sera libre de faire ce qu’elle veut sans se préoccuper de démocratie ou de droits humains. Cela ne peut donc pas être une réponse acceptable au problème de la dictature. »

Lorsque les résistants constatent l’impossibilité de faire bouger la dictature, la négociation reste souvent la solution préconisée au nom de la paix recherchée par tout le monde. L’auteur nous indique aussi les limites de cette voie :

« La négociation est un outil très utile dans la résolution de certains types de problèmes et ne doit être ni négligée, ni rejetée lorsqu’elle est appropriée. Mais, lorsque les enjeux sont fondamentaux, qu’ils affectent des principes religieux, des libertés humaines ou le développement futur de toute la société, les négociations ne peuvent pas trouver une solution acceptable. Sur des questions fondamentales, il n’y a pas de compromis possible. Seul un changement radical des relations de pouvoir en faveur des démocrates peut assurer la sauvegarde des enjeux fondamentaux. Un tel changement s’obtiendra par la lutte et non pas par des négociations. Dans ce type de conflit, la seule négociation envisageable est celle qui se tient à la fin d’une lutte décisive, lorsque le dictateur est aux abois et qu’il cherche un couloir de sécurité pour se rendre à un aéroport international. Quoiqu’ils promettent, il ne faut pas oublier qu’ils sont capables de promettre n’importe quoi afin de soumettre leurs opposants démocrates, pour ensuite violer effrontément tous leurs engagements.

Tous ceux qui se servent du mot « paix » ne souhaitent pas nécessairement la liberté et la justice. La soumission passive à l’oppression cruelle de dictateurs, à un despote ayant fait subir des atrocités à des centaines de milliers de personnes ne correspond pas à la paix véritable. Hitler évoquait souvent la paix et cela signifiait soumission à sa volonté. La paix d’un dictateur n’est souvent rien de plus que la paix de la prison ou de la tombe."

La recherche d’un partenaire extérieur peut souvent être considérée comme un palliatif à l’immobilisme, au manque de moyens et à la passivité interne. Voici ce qu’en pense l’auteur :

« Beaucoup de gens souffrant actuellement d’une dictature brutale, ou qui se sont exilés pour y échapper, ne croient pas que les opprimés puissent se libérer eux- mêmes. Mais ils pensent que leur peuple ne peut être sauvé que par l’intervention de tiers. Ils placent leur confiance en des forces extérieures et croient que seule l’aide internationale peut être assez puissante pour renverser les dictateurs. Cette idée selon laquelle les opprimés sont incapables d’agir efficacement est parfois exacte pour une certaine période. Souvent les peuples opprimés manquent de volonté et sont temporairement incapables de lutter, car ils n’ont aucune confiance en leur capacité de faire face à une dictature brutale et ne voient aucun moyen de s’en sortir. On comprend donc qu’ils placent leurs espoirs de libération en des entités tierces, en une force extérieure qui peut être « l’opinion publique », les Nations Unies, un autre pays, ou encore des sanctions économiques et politiques internationales. Une telle vision est confortable, mais elle pose de sérieux problèmes. Cette confiance accordée à une puissance extérieure peut être très mal placée. Le plus souvent aucun sauveur étranger ne se présente, et si l’un d’eux le fait, on ne devrait probablement pas lui faire confiance. Car de dures réalités sont à considérer avant de s’en remettre à une intervention étrangère :

• Fréquemment, les puissances étrangères tolèrent et même soutiennent une dictature afin de faire avancer leur propre intérêt économique et politique.

• Certains iront jusqu’à trahir le peuple opprimé plutôt que de tenir leur promesse d’aider à sa libération, cela afin de poursuivre un autre objectif.

• D’autres agiront contre la dictature pour mieux maîtriser le pays aux plans économiques, politiques ou militaires.

• Les puissances étrangères s’investissent parfois de manière positive pour le peuple opprimé, mais seulement si le mouvement intérieur de résistance a déjà ébranlé la dictature au point d’attirer l’attention internationale sur la nature brutale du régime. »

La participation aux élections est souvent préconisée pour inverser la situation compte tenu de l’impopularité de la dictature. L’autre raison avancée est de participer aux institutions de la république pour faire avancer la cause des opprimés ou se donner les moyens de mener le combat.

L’auteur est catégorique :

« Quant aux élections, il n’en est pas question sous une dictature : elles ne sont pas un instrument efficace de changement politique. Certains régimes dictatoriaux, comme ceux du bloc de l’Est sous contrôle soviétique, firent des parodies d’élections pour paraître démocratiques. Elles ne furent que des plébiscites rigoureusement contrôlés pour faire entériner par le public des choix de candidats déjà tranchés par les despotes. Des dictateurs sous pression peuvent parfois accepter de nouvelles élections, mais en les truquant pour mettre en place leurs marionnettes civiles au gouvernement. Si des candidats de l’opposition ont eu le droit de se présenter et furent réellement élus, comme en Birmanie en 1990 et au Nigeria en 1993, les résultats furent simplement ignorés et les « vainqueurs» soumis à l’intimidation, arrêtés ou même exécutés.»

La question que l’on peut se poser à la lecture des obstacles qui se dressent sur le chemin des méthodes classiques de lutte est : Que faire ?

II- QUE FAIRE ?

Si les forces de défenses et de sécurité, la justice, l’administration, les partis politiques, les syndicats, la population ne coopèrent plus, la dictature ne se désintègre. Pour l’auteur il faut donc :

1-Discrediter la dictature, proposer une alternative crédible

2-Conduire la lutte vers la non coopération

3-Mobiliser le peuple progressivement vers une protestation généralisée

Il faut pour se faire :

III- ARMER PSYCHOLOGIQUEMENT LES RESISTANTS

Il s’agit donc de se convaincre que la dénonciation (écrite ou orale), la persuasion (écrite ou orale), la non-coopération et la mobilisation sont des solutions efficaces:

Il illustre sa thèse par l’exemple du maitre-singe :

« Une parabole chinoise de Liu-Ji, datant du XIVe siècle, illustre bien cette lecture négligée du pouvoir politique: Dans l’État féodal de Chu, un vieillard survivait en gardant des singes à son service. Les gens l’appelaient « Ju gong » (Maître singe). Cette histoire, « La règle par la ruse », vient de Yu-li-zi pseudonyme de Liu Ji (1311-1375).

Chaque matin, le vieil homme rassemblait les singes dans sa cour et donnait l’ordre à l’aîné d’emmener les autres dans la montagne ramasser des fruits sur les arbres et dans les buissons. La règle exigeait que chaque singe donne le dixième de sa récolte au vieillard, et ceux qui ne le faisaient pas étaient violemment fouettés. Tous les singes en souffraient mais n’osaient s’en plaindre. Un jour, un jeune singe s’adressa aux autres (dénonciation et persuasion) : « Le vieil homme a-t-il planté tous les fruitiers et buissons ? » Les autres répondirent : « Non, ils ont poussé naturellement. » Le jeune singe insista : « Ne pouvons-nous pas prendre les fruits sans la permission du vieil homme ? » Les autres répondirent : « Si, nous pouvons tous le faire. » Le jeune singe continua : « Alors pourquoi devons-nous dépendre du vieil homme ; pourquoi devons-nous tous le servir ? » Avant que le petit singe ne finisse sa phrase, tous les autres avaient compris et s’éveillaient. La nuit même, s’assurant que le vieil homme était endormi, les singes (mobilisation) détruisirent l’enclos dans lequel ils étaient confinés. Ils prirent les fruits que le vieil homme avait emmagasinés et les emportèrent dans la forêt pour ne jamais en revenir(non coopération). Le vieil homme finit par mourir de faim. Yu-zu-li conclut : « Certains hommes, dans le monde, dominent leur peuple par l’imposture et non pas par la justice. Ne sont-ils pas comme le Maître singe ? Ils ne se rendent pas compte de leur confusion d’esprit. Dès que leur peuple comprend la chose, leurs ruses ne fonctionnent plus »

IV- ARMER INTELLECTUELLEMENT LES RESISTANTS

Les tâches à accomplir par les résistants doivent être identifiées. L’auteur indique les principales tâches à accomplir pour désintégrer la dictature :

• Renforcer la détermination de la population opprimée et sa confiance en elle-même, et améliorer ses compétences pour résister ;

• Fortifier les groupes sociaux indépendants et les institutions qui structurent la population opprimée

• Créer une puissante force de résistance interne ;

Ces tâches ne peuvent s’accomplir d’une manière harmonieuse et conduire au résultat désiré sans un plan stratégique global, des plans stratégiques spécifiques et des actions identifiées pour mettre en œuvre le plan

Le plan stratégique doit identifier le talon d’Achille de la dictature et des résistants ainsi que les points forts. La batterie d’actions doit permettre de cibler les points faibles de la dictature et réduire ses points forts, renforcer les résistants et réduire leur point faible jusqu’à la désintégration de la dictature. Une action engagée doit être dispersée ou concentrée et surtout difficile à combattre.

« La conclusion est claire : malgré leur force apparente, toutes les dictatures ont des faiblesses, des inefficacités internes, des rivalités personnelles, des inefficacités institutionnelles et des conflits entre organisations et services.

Néanmoins, les types de luttes qui visent les faiblesses identifiables des dictatures ont plus de chances de réussir que celles qui les attaquent dans les domaines où elles sont les plus fortes. La question est de savoir comment entreprendre la lutte. »

V- ORGANISER LE PEUPLE ET/OU COORDONNER LES ORGANISATIONS EXISTANTES

« Machiavel disait que le prince « … qui a l’ensemble de sa population pour ennemi ne sera jamais en sécurité ; plus grande est sa cruauté, plus faible devient son régime. » L’une des caractéristiques des sociétés démocratiques est qu’il y existe, indépendamment de l’État, une multitude de groupes et d’institutions non gouvernementales. Ce sont, par exemple, les familles, les organisations religieuses, les associations culturelles, les clubs sportifs, les institutions économiques, les syndicats, les associations d’étudiants, les partis politiques, les communautés villageoises, les associations de quartier, les clubs de jardinage, les associations de défense des Droits de l’Homme, les groupes de musique, les sociétés littéraires, etc. Ces entités sont importantes car en poursuivant leurs objectifs propres elles contribuent à satisfaire des besoins sociaux. »

La coordination de toutes ces organisations pour la mise en œuvre d’actions de protestation ou de dénonciation, constitue une force substantielle pour engager la bataille de la désintégration de la dictature. La dictature elle-même fabrique des ennemis dans les familles, les syndicats, les organisations religieuses, les partis politiques, les associations culturelles. De par leurs missions, ses institutions ou organisations ont le devoir de défendre l’intérêt de leur membre. Agir seul a un effet limité, agir ensemble est une arme redoutable contre la dictature.

VI- AGIR POUR LA DESINTEGRATION DE LA DICTATURE

« L’erreur commune des campagnes de défiance politique improvisées a été de miser uniquement sur une ou deux méthodes, telles que les grèves et les manifestations de masse. En fait, il existe une multitude de méthodes qui permettent aux stratèges des organisations de résistance de concentrer ou de disperser le mouvement en fonction des besoins ».

« Près de 200 méthodes spécifiques d’action non- violente ont été identifiées et il y en a certainement d’autres. Elles sont classées en trois larges catégories : la protestation et la persuasion, la non coopération, et l’intervention.

La première comprend des manifestations symboliques, ce qui inclut les parades, marches et veillées (54 méthodes). La non coopération est divisée en trois sous catégories : (a) non coopération sociale (16 méthodes), (b) non coopération économique, ce qui inclut les boycotts (26 méthodes) et les grèves (23 méthodes), (c) non coopération politique (38 méthodes). Le dernier groupe, l’intervention non violente, inclut des moyens psychologiques, physiques, sociaux ou politiques tels que le jeûne, l’occupation non violente et le gouvernement parallèle (41 méthodes).

« Étant donné que les luttes violentes et non violentes opèrent de façons complètement différentes, toute forme de violence, même limitée, durant une campagne de défiance politique sera contre-productive car elle déplacera le combat sur le terrain militaire où le dictateur a un avantage écrasant. La discipline non violente est une clé du succès et doit être maintenue en dépit des provocations et brutalités des dictateurs et de leurs agents.»

Dans certains cas, cependant, une violence limitée contre la dictature ne peut être évitée. Soit les frustrations et la haine du régime explosent sous forme de violence, soit certains groupes refusent d’abandonner les moyens violents tout en reconnaissant le rôle important de la lutte non violente ».

Le secret de la réussite réside dans le choix des actions et le niveau de coordination de la mise en œuvre de ses actions. Agir ensemble élimine la peur. Lorsque chaque acteur sait qu’il n’est pas seul et que son action individuelle est répétée par plusieurs personnes, il mesure l’utilité, la portée et l’importance de son action. Les actions de boycott, de non coopération et de protestation ne peuvent réussir que dans ces conditions. Une action décidée doit être difficilement combattable ; cela suppose une bonne appréciation du contexte, des rapports de forces et des réactions de la dictature.

Souvent la stratégie non violente semble être longue face á la souffrance de plus en plus insupportable de la dictature. L’auteur donne des précisions á ce propos :

« Au Salvador et au Guatemala, en 1944, les luttes contre de terribles dictatures militaires durèrent environ deux semaines. Le puissant régime militaire du Shah d’Iran fut ébranlé en quelques mois. La dictature de Marcos aux Philippines s’écroula face à la puissance du peuple en l’espace de quelques semaines en 1986 : Le gouvernement des États-Unis abandonna rapidement le Président Marcos dès que la force de l’opposition devint manifeste. La tentative de coup d’État en Union soviétique en août 1991 fut bloquée en quelques jours par un mouvement de défiance politique. Peu après, plusieurs nations longtemps dominées gagnèrent leur indépendance en seulement quelques jours, semaines ou mois. L’idée toute faite et ancienne, selon laquelle les moyens violents opèrent toujours rapidement alors que les moyens non violents demandent du temps et de la patience n’est pas valide. Bien qu’il faille du temps pour changer profondément la situation et la société, le combat non violent lui-même contre la dictature peut se passer relativement vite. »

La force n’intervient que pour sécuriser la victoire.

VII- LES RESISTANCES A LA DESINTEGRATION DE LA DICTAURE ET LA CONSOLIDATION DE LA DEMOCRATIE

La dictature, sentant sa fin prochaine, peut avoir recours à la négociation ou au coup d’Etat pour assurer une alternance interne et préserver le régime.

Pour l’auteur, la seule négociation possible est la route pour dégager du pouvoir. Quant au coup d’Etat, selon l’auteur, il est à combattre en affamant le régime issu du coup d’Etat par la non coopération. Il écrit :

« Avant même l’effondrement de la dictature, des membres de l’ancien régime peuvent tenter de couper court à la lutte de défiance par la mise en scène d’un coup d’État sensé anticiper la victoire de la résistance populaire. Ils peuvent prétendre évincer la dictature mais ne chercher, en réalité, qu’à en imposer un modèle rénové.

Immédiatement après le début du coup d’État, les putschistes réclament une légitimité, c’est-à-dire l’acceptation de leur droit moral et politique à gouverner. Le premier principe de la défense anti-coup d’État est donc de leur refuser toute légitimité.

Le second principe de base de la défense contre un coup d’État est de résister aux putschistes par la non- coopération et la défiance

Si la légitimité et la coopération sont refusées, le coup d’État peut mourir de « famine politique » et la possibilité de construire une société démocratique se présente à nouveau.

La mise en place du nouveau système démocratique passera par la rédaction d’une constitution qui établira la structure du gouvernement démocratique.

Le pays libéré peut aussi avoir à faire face à des menaces étrangères qui appellent une capacité de défense. Le pays pourrait également être menacé par des tentations étrangères d’établir une domination économique, politique ou militaire. Afin de maintenir la démocratie dans le pays, il importe aussi de prendre en considération l’application des principes de base de la défiance politique aux exigences de la défense nationale. En mettant la capacité de résistance directement dans les mains des citoyens, les pays nouvellement libérés peuvent faire l’économie d’une puissance militaire qui pourrait d’ailleurs menacer la démocratie ou nécessiter de vastes ressources économiques indispensables à d’autres projets.

CONCLUSION

Il y a trois conclusions majeures :

• La libération du joug dictatorial est possible ;

• La réflexion attentive et la planification stratégique sont indispensables pour y parvenir ; et

• La vigilance, un dur travail et une lutte disciplinée, souvent payée au prix fort, sont nécessaires.

ANNEXE :

I- MÉTHODES DE PROTESTATION ET DE PERSUASION NONVIOLENTE

Déclarations formelles (1). Discours publics (2). Lettres d’opposition ou de soutien (3). Déclarations des organisations ou institutions (4). Déclarations publiques signées (5). Déclarations d’intention et réquisitoires (6). Pétitions de groupe ou de masse.

Communications à de larges audiences (7). Slogans, caricatures, et symboles. 8. Bannières, affiches et communications visuelles (9). Tracts, pamphlets et livres (10). Journaux et revues (11). Enregistrements, radio et télévision (12). Publicité aérienne et écriture au sol (17). Cette liste, avec définitions et exemples historiques, est issue de Gene Sharp, The Politics of Nonviolent Action, Part 2: The Methods of Nonviolent Action (Boston, MA: Porter Sargent, 1973).

Représentations de groupe (13). Délégations (14). Prix satiriques (15). Groupes de pression. 16. Piquets de grève (17). Simulacre d’élections.

Actes publics symboliques (18). Exhibition de drapeaux et de couleurs symboliques (19). Port de symboles (20). Prières et cultes (21). Livraison d’objets symboliques (22). Protestations dénudées (23). Destruction de ses propres possessions (24). Lumières symboliques (25). Exhibition de portraits (26). Peinture de protestation (27). Nouveaux signes et dénominations (28). Sons symboliques (29). Réclamations symboliques (30). Gestes grossiers.

Pressions sur les individus (31). « Visites » récurrentes à des fonctionnaires (32). Provocation de fonctionnaires (33). Fraternisation (34). Veilles.

Théâtre et musique (35). Satires et farces humoristiques (36). Exécution de pièces de théâtre et de musique (37). Exécution de chants.

Processions (38). Marches (39). Parades (40). Processions religieuses (41). Pèlerinages (42). Défilés de voitures.

Commémoration des morts (43). Deuil politique (44). Fausses funérailles (45). Funérailles avec manifestation (46). Hommage sur une tombe.

Rassemblements publics (47). Assemblées de protestation ou de soutien (48). Meetings de protestation (49). Réunions secrètes de protestation (50). Séances d’enseignement ou de formation.

Retrait et renonciation (51). Départ groupé en signe de réprobation (52). Silence (53). Renoncement aux honneurs (54). « Tourner le dos ».

II- MÉTHODES DE NONCOOPÉRATION

1- NONCOOPÉRATION SOCIALE

Ostracisme de personnes (55). Boycott social (56). Boycott social sélectif (57). Grève du sexe (excommunication) (18), le nom en anglais de cette méthode, « Lysistraticnonaction », est dérivé du titre de la comédie d’Aristophane Lysistrata, qui met en scène l’utilisation généralisée de cette méthode dans la Grèce antique. Les femmes qui y ont alors recours réclament la fin de la guerre entre Athènes et Sparte. Texte disponible en français, Éditions Arléa (2003). 59. Interdiction d’activité religieuse.

Noncoopération avec événements, coutumes et institutions sociales (60). Suspension d’activités sociales et sportives (61). Boycott d’activités sociales (62). Grèves d’étudiants (63). Désobéissance sociale (64). Démission d’institutions sociales.

Retrait du système social (65). Opération ville morte (ou rester chez soi) (66). Noncoopération personnelle totale (67). Fuite de travailleurs (68). Refuge dans un sanctuaire (69). Disparition collective (70). Émigration de protestation (hijrat).

2- NONCOOPÉRATION ÉCONOMIQUE : BOYCOTTS ÉCONOMIQUES

Action par les consommateurs (71). Boycott par les consommateurs (72). Non utilisation de biens boycottés (73). Régime de restriction (74). Refus de payer les locations (75). Refus de prendre en location (76). Boycott national de consommateurs (77). Boycott international de consommateurs.

Action des travailleurs et producteurs (78). Boycott par les travailleurs (79). Boycott par les producteurs (refus de vendre). Action des intermédiaires (80). Boycott par les fournisseurs et grossistes.

Action des propriétaires et dirigeants (81). Boycott par les commerçants (82). Refus de mettre en location ou de vendre les propriétés (83). Renvoi du personnel (lockout) (84). Refus d’assistance industrielle (85). Grève générale des commerçants.

Action des possesseurs des ressources financières (86). Retrait des dépôts bancaires (87). Refus de payer des frais, droits et taxes (88). Refus de payer les dettes ou les intérêts (89). Rupture de fonds et de crédit (90). Refus de déclaration de revenus (91). Refus de la monnaie du gouvernement.

Action des gouvernements (92). Embargo domestique (intérieur) (93). Liste noire de commerçants (94). Embargo international sur les ventes (95). Embargo international sur les achats (96). Embargo international du commerce.

3- NONCOOPÉRATION ÉCONOMIQUE : LA GRÉVE

Grèves symboliques (97). Grève d’avertissement (98). Grève éclair. Grèves agricoles (99). Grèves des agriculteurs (100). Grève des ouvriers agricoles. Grèves de groupes particuliers (101). Refus de travail forcé (102). Grève des prisonniers (103). Grève des artisans (104). Grève professionnelle,

Grève industrielle ordinaire (105). Grève d’établissement (106). Grève d’un secteur industriel (107). Grève de soutien. Grèves restreintes (108). Grève progressive (109). Grève surprise (110). Travail au ralenti (111). Grève du zèle (112). Grève par « maladie » (113). Grève par démissions successives (114). Grève limitée (115). Grève sélective, Grèves multi-industrie (116). Grève généralisée (à un secteur de l’économie) (117). Grève générale.

Combinaison de grèves et de fermetures économiques (118). Ville morte (hartal) (119). Cessation d’activité économique.

4- NONCOOPÉRATION POLITIQUE

Rejet de l’autorité (120). Suppression ou rejet d’allégeance (121). Refus du soutien public. (122). Littérature et discours en faveur de la résistance.

Non-coopération des citoyens avec le gouvernement (123). Boycott des corps législatifs (124). Boycott des élections (125). Boycott des emplois et situations au gouvernement (126). Boycott des organismes gouvernementaux (127). Retrait des institutions d’éducation gouvernementales (128). Boycott des organisations soutenues par le gouvernement (129). Refus d’assistance aux agents de la force publique (130). Enlèvement de ses propres signes et repères (131). Refus de recevoir des officiels (132). Refus de dissoudre des institutions existantes.

Alternatives citoyennes à l’obéissance (133). Docilité réticente et lente (134). Non-obéissance en absence de contrôle direct (135). Non-obéissance populaire (136). Désobéissance déguisée (137). Refus de dispersion d’un rassemblement ou d’un meeting. (138). Protestation assise (sit down) (139). Non-coopération avec la conscription et la déportation (140). Caches, fuites et fausses identités (141). Désobéissance civile à des lois « illégitimes »

Action du personnel gouvernemental (142). Refus sélectif d’aides gouvernementales (143). Blocage de lignes de commandement ou d’information (144). Retard et obstruction (145). Non-coopération administrative générale (146). Non-coopération judiciaire (147). Inefficacité délibérée et non-coopération sélective des agents de la force publique (148). Mutinerie.

Action à l’intérieur du gouvernement (149). Evasions quasi légales et reports de tâches (150). Non-coopération par des unités gouvernementales constituées.

International governmental action (151). Changements dans les représentations, diplomatiques et autres (152). Retard et annulation d’événements diplomatiques (153). Cessation de reconnaissance diplomatique (154). Rupture de relations diplomatiques (155). Retrait d’organisations internationales (156). Refus d’adhésion à des organismes. Internationaux (157). Expulsion d’organisations internationales

III- LES MÉTHODES D’INTERVENTION NONVIOLENTE

Intervention psychologique (158). Exposition volontaire aux éléments (159). Jeûne. (a) Jeûne de pression morale. (b) Grève de la faim limitée. (c) Grève de la faim illimitée (160). Renversement de procès (161). Harcèlement non-violent.

Intervention physique (162). Sit-in (163). Occupation d’espace debout (164). Occupation à cheval, à vélo, en voiture, etc. (165). Occupation soudaine (166). Occupation bourdonnante. (167). Occupation avec prières (pour forcer à…) (168). Raids non-violents (169). Raids aériens non-violents (170). Invasion non-violente (171). Interposition non-violente (172). Obstruction non-violente (173). Occupation non-violente.

Intervention sociale (174). Etablissement de nouveaux modèles sociaux (175). Surcharge ou engorgement de services (176). Travail au ralenti (177). Interventions orales en public (178). Théâtre de guérilla (179). Institutions sociales alternatives (180). Système alternatif de communication.

Intervention économique (181). Grève inversée par excès de travail (182). Grève sur le tas. (183). Prise de contrôle non-violente d’un terrain (184). Défiance d’une restriction ou d’un blocus (185). Contrefaçon politiquement motivée (186). Achat préventif de produits stratégiques (187). Saisie d’actifs (188). Dumping (vente massive à bas prix) (189). Soutien sélectif de produits ou de marques… (190). Marchés alternatifs (191). Systèmes alternatifs de transport (192). Institutions économiques alternatives.

Intervention politique (193). Surcharge de systèmes administratifs (194). Révélation d’identité d’agents secrets (195). Recherche d’emprisonnement (196). Désobéissance civile à des lois anodines (197). Participation sans collaboration (198). Double pouvoir et gouvernement parallèle.

Évidemment, beaucoup d’autres méthodes ont déjà été utilisées mais n’ont pas été classées. De même, une multitude d’autres méthodes seront encore inventées dans le futur qui auront les caractéristiques des trois classes de méthodes : Protestation et persuasion non-violente, non- coopération, et intervention non-violente. Il faut bien comprendre que la meilleure efficacité sera obtenue si la méthode est choisie en fonction d’une stratégie préalablement adoptée. Il est nécessaire de connaître le genre de pression qu’on veut exercer avant de choisir la forme d’action précise qui exercera cette pression

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